Salon du Québec
Le 12 août 2018, je débarque à l'aéroport de Montréal Tio'tia:ke, et je prends le bus pour Sherbrooke avec mon sac et ma guitare : J'ai été accepté à Bishop's University pour ma dernière année de Licence Jazz/Ethno-musicologie.

De cette année, je me rappelle vaguement l'Orange Shirt Day; je savais que ça avait à voir avec les populations autochtones, mais je n'en savais pas grand chose : ça n'est pas à l'université que j'ai appris une partie de l'histoire des Natif•ves et des Inuits. 

Mais je me rappelle des anecdotes : on était toute une bande de blanc•hes, avec quelques racisé•es, qui intégrait l'université pour une année d'échange inter-universitaire. Quelques semaines après l'intégration, un français me propose :
"tu voudrais venir dans une réserve avec moi ? Acheter des clopes et de l'alcool, il paraît que c'est moins cher. On pourrait visiter."

J'ai ressenti, pour la première fois (d'autres suivront), mon premier malaise de colon.
Bishop's University est une université anglophone, héritée de la colonisation anglaise. Pour moi, elle ressemblait au château d'Harry Potter, au détails près qu'elle est assez petite, et que donc sa capacité d'accueil la rend "familiale".
Bishop's University est dans une petite ville qui s'appelle Lennoxville, anglophone également. C'est une ville qui regroupe les étudiant•es et des travailleur•ses de classe moyenne.
Je ne comprenais pas vraiment pourquoi une ville anglophone se situait aussi près d'une ville francophone telle que Sherbrooke.

Je n'ai pas tout de suite compris la haine qui pouvait exister entre les francophones et les anglophones.
Durant une après-midi d'exposition à l'université, un collègue guitariste québecois me signifie qu'il est fort probable qu'il soit métisse, et qu'une grande partie des descendant•es des colons français et anglais le soit : même si le métissage n'est pas tout le temps affaire d'amour, il y a eu de toutes façons tellement de viols qu'avancer cette théorie n'est pas complètement stupide.

Il voulait faire une blague.
Quand on vit plusieurs mois à Montréal Tio'tia:ke, on s'aperçoit très vite que les français•es venu•es travailler ou étudier dans le pays vivent dans l'entre-soi.
Peu établissent de véritables relations avec les québecois, même francophones.

Peu de québecois francophones ont de l'estime pour les français. Peu de français ont de l'estime pour les québecois. Peu de québecois francophones ont de l'estime pour des québecois anglophones. 

Très vite, j'ai compris que les québecois francophones issus des premières colonisations se posaient en victimes par rapports aux colons anglophones : ils étaient là avant, et ils se sont fait prendre leurs terres.

J'ai senti l'indécence de revendiquer une terre et une langue par misérabilisme, l'anxiété coloniale, le mépris de l'histoire qui commence uniquement quand les français arrivent : avant, il n'y a rien. Ils n'ont fait de mal à personne : ils étaient là au début.
Je n'ai pas appris l'histoire du soi-disant Québec.
Elle m'échappait
Tanya Tagaq est une artiste Inuit contemporaine. Cette musique est ma première rencontre avec l'art Inuit et le chant de gorge.
Finalement, j'ai pris le temps de m'enfoncer dans les terres gaspésiennes durant l'été 2019, sur les sentiers des Sepaq et sur les routes. J'ai rencontré nombre de personnes en faisant du pouce, ai entendu grand nombre d'histoires. Mais c'est les montagnes qui m'ont raconté les plus anciennes. Les autres se sont tout simplement perdues. 

Ce sont les pins, les lacs et les roches qui m'ont transmis un savoir riche. C'est leur silence qui m'a permit de dialoguer à nouveau avec moi-même. 

Ces terres-là, qu'on veut détruire pour le pétrole, pour l'énergie, pour le capitalisme, pour notre soif de concurrence. 

Ce sont les grands espaces qui m'ont permis de tisser le lien avec les peuples Natifs. M'octroyer le droit de rentrer dans une réserve n'aurait servi à rien.
They took our tongues
They tried to take our tongues
We lost our language
And we didn’t
Inuuvunga (I am an Inuk)
We didn’t
Inuuvunga (I am an Inuk)
You can’t take that from us
You can’t take that from us
You can’t take our blood
You can’t take that from us
You can’t have my tongue
You can’t have my tongue
Inuuvunga (I am an Inuk)
You can’t have my tongue
You can’t have my tongue
Inuuvunga (I am an Inuk)
Tukisivunga (I understand)
You can’t have my tongue
I don’t want your god
I don’t want your god
Put him down
Put him down
I don’t want your shame
I want to come
I don’t want your shame
It doesn’t belong to me
You can't have my tongue
Inuuvunga (I am an Inuk)
Que faire du savoir qu'on a ? 
Comment être allié•e ? 
peut-on réparer ? Peut-on être soi-même acteur•ice d'une réparation ? 

Passer du contact à la rencontre, de la première expérience de découverte à l’interaction durable, nécessite la transformation et le déplacement de son propre regard à partir du point de vue de l’autre : toute forme d’altérité n’est pas forcément un lieu de rencontre. Pour la traduire à la rencontre, il faut un travail d’appréhension de ce qui constitue l’Autre, pour ainsi réduire l’espace d’altérité et non l’accentuer (commun). Le contact est simplement la prise en acte de ce que les peuples sont là.

La rencontre est radicale : elle va prendre en charge le conflit. Elle est toujours traversée par les tensions, les rapports aux corps et aux pouvoirs. 
Rencontre
Le désir d'être à l'aise. 
La revendication d'appartenance.
Le multiracial, le métissage vient sauver la culpabilité, l'angoisse blanche.
Peut-être que la paix surgira.
Le désir de la résolution à la colonisation est là : l'assimilation.
Les vestiges des internats demeurent.